JOOST SWARTE

New Yorkers

Exposition du 19 janvier au 17 mars 2018
Vernissage le jeudi 18 janvier à partir de 18 h 30
Dédicace le samedi 27 janvier de 15 à 20h

Couvertures, grands dessins couleur et spots, ces petites vignettes en noir et blanc qui rythment les colonnes du New Yorker : Joost Swarte a parcouru toute la gamme graphique du mythique hebdomadaire. Un album riche, le New York Book que publie Dargaud, rend justice à cette collaboration de presse.

Et, à partir du 18 janvier, la Galerie Martel est heureuse d’en présenter un très large choix d’originaux. En 1978, Art Spiegelman et Françoise Mouly sont à Amsterdam. Lui n’est pas encore l’auteur reconnu de Maus. Elle n’est pas encore la DA du New Yorker. Pour l’heure, le couple prépare RAW, un magazine de BD d’avant-garde ouvert à l’international. Ils ont donc voulu rencontrer Joost Swarte. À une table du café Scheltema, un repaire historique de la presse néerlandaise, l’on trinque au succès de RAW avec des flacons d’encre.

Swarte contribuera aux onze livraisons du magazine. Ce sera son tremplin vers le New Yorker… qui, en 1994, lui demandera d’illustrer un texte satirique où les adjectifs négatifs sont privés de leurs préfixes : “déconfit” devient “confit” et “découragé”, “couragé”. Une fantaisie que Swarte, familier de l’humour, du paradoxe et du décalage, maîtrisera parfaitement.

“Même dans ma peau d’illustrateur, je reste un auteur, précise l’artiste. Je cherche toujours à travailler pour des médias qui m’accordent une certaine liberté. C’est le cas du New Yorker. On me communique l’article que je vais illustrer, et je l’étudie. Je me documente. Au delà du brief, je réfléchis à l’image qui viendra en complément du texte. C’est capital pour moi : je n’aime pas faire le robot. Le plaisir est d’autant plus grand qu’on me propose en général des sujets que je n’ai pas creusés.” Entre la rédaction installée au One World Trade Center, New-York, et l’Atelier Joost Swarte de Haarlem, Pays-Bas, les malentendus semblent rares et véniels.

Les yeux d’un portrait de René Descartes ont été rendus moins hypnotiques. Les briques d’ADN illustrant un sujet génétique sont devenues des briques Lego d’ADN : dans le New York Book et sur les originaux, les repentirs s’arrêtent là. Mais avant de se frotter au vrai travail, Swarte passe par la phase des croquis. Rien à voir avec les ébauches précises, signées de son autoportrait souriant, qu’il scanne à ses clients. Non, une série de vrais croquis au crayon, intimes, rapides, séduisants. Ils sont le tour de chauffe de l’artiste, “destinés à diriger la pensée, pas à préparer le dessin.”

Et puis, il y a la figure de proue du New Yorker : sa couverture. De Jean-Jacques Sempé à Saul Steinberg, de grands ancêtres en ont fait leur fief. D’autres ont rêvé de fracasser son plafond de verre, ou l’ont franchi le temps d’un one-shot. Philosophe, Joost Swarte dit : “Les critères de la couverture sont très exigents, la récurence de thèmes imposés accroît la difficulté, mais un dessinateur doit savoir proposer une image qui surprenne.” En charge d’une récente couverture de Noël, Swarte s’est ouvert à Françoise Mouly. Sur les conseils de celle-ci, il s’est concentré sur la période qui précède le 25 décembre, à New York et ailleurs. Total ? Une série de cases rondes comme des boules de Noël, portant chacune une histoire : un père Noël constate devant le distribanque que son compte est à sec, et un escalier devient une barrière infranchissable à son fauteuil de handicapé. Un automobiliste hagard hésite entre un feu vert et le nez rouge du petit renne. Un bûcheron armé d’une scie trinque avec le sapin qu’il va couper. Un SDF transi rêve devant une maison en paquet-cadeau. Les facettes d’un monde.

Quant aux spots, les vignettes en noir et blanc qui ponctuent la rigoureuse maquette du magazine, elles sont pour Swarte un espace privilégié : “Elles fonctionnent comme de petites BD. Elles m’offrent la liberté qui réside dans la modestie.” Ce talent sans grands airs, cette profondeur bien tempérée d’humour, il les transporte sans les déformer de média en média – qu’il soit dessinateur, illustrateur, affichiste, créateur de comics, de timbres et de typographies, de céramiques et de vitraux, de mobilier, ou designer architectural d’un théâtre et d’une résidence au centre-ville de Haarlem, ainsi que d’une seconde à Amsterdam : “Lorsque l’immeuble a été fini, j’ai demandé aux promoteurs d’y séjourner un mois avec ma femme et mes enfants. Pour un bâtiment, j’ai toujours les habitants en tête. Et ça, ça vient de la relation dessinateur-lecteur. C’est pourquoi je ne laisserai jamais tomber la feuille de papier. Devant elle, je me sens comme un chef d’orchestre.”

François Landon